Bad buzz
Cartographie des controverses

Le sujet du Bad Buzz fait controverse, cela entache-t-il l’image de l’entreprise ou bien est ce un coup marketing ? Nous allons voir ici plus en détails les différentes prises de position à ce sujet. Nous avons identifié plusieurs grandes branches à ce débat que nous allons tenter de détailler et d’illustrer d’exemples concrets.
L’impact du Bad Buzz a un impact négatif sur l’entreprise
De nombreux arguments appuient le fait qu’un bad buzz entache de façon irrémédiable l’entreprise et lui fait perdre de l’argent. Selon le cabinet de consulting Mckinsey & Co, le bad buzz aurait un impact négatif et avéré sur les ventes. Dans un article du site http://emaroketing.com/ il est déclaré que “d’après une étude réalisée pour un de ses clients, un opérateur Telecom, McKinsey a constaté que l’impact d’un bad buzz était une diminution de 8% dans les souscriptions, contrebalançant ainsi toutes ses dépenses dans les publicités sur télévision.”, L’impact négatif semble réel.
Le bad buzz peut être une opportunité
A l’inverse, beaucoup pensent que le bad buzz est en réalité une opportunité. Et ce pour plusieurs raisons :
Ronan Boussicaud, community manager à l'agence UseWeb nous explique que selon lui le bad buzz “permet de : détecter des processus défaillants, apprendre à mieux se connaître, résoudre des problèmes récurrents et/ou majeurs, transformer des clients mécontents en ambassadeurs, adopter des réflexions stratégiques, affiner sa communication de crise et enfin perfectionner son positionnement on line.” (e-marketing.fr). Ce qui ne tue pas rend plus fort, plusieurs entreprises l’ont bien compris, c’est ce dont témoigne la vidéo réalisé par EA Sport suite à un Bad Buzz concernant un bug de leur jeu vidéo où l’on voit le champion de golf Tiger Woods tenter un putt (coup exécuté très proche du sol au golf) sur de l’eau. Avec humour, l’entreprise publie une vidéo où le vrai Tiger Woods réalise à son tour un Putt sur l’eau. Le site Blue Boat en déduit qu’ “au final, la vidéo en réponse à ce buzz a enregistré plus d’un million de vues et s’inscrit comme un coup de pub monumental pour la marque.”
Nous terminerons avec cette citation de l’agence marketing Social Dynamite : “En somme, le bad buzz n'est pas seulement qu'une crise à gérer : c'est une opportunité pour les entreprises de faire preuve de créativité et de se rapprocher de leur communauté à une époque où cette dernière recherche ce facteur humain de proximité.”
Certains vont plus loin, jusqu’à suggérer que le Bad Buzz peut être souhaité dans un souci d’exposition médiatique : Thierry Libaert l’évoque dans son livre : la communication de crise : « A l’extrême, nous pouvons imaginer que la crise peut être recherchée dans un objectif de notoriété. Lorsque l’association Raël annonce le 25 décembre 2002 son expérimentation réussie de clonage humain ou lorsque certaines entreprises créent des campagnes d’affichage volontairement choquantes (Benneton). »
Après la seconde guerre mondiale, lors de la péridoe de grand succès de France Soir et lorsque l'on faisait remarquer à Pierre Lazareff que son journal publiait de nombreuses fausses informations, celui-ci rétorquait cyniquement "une information plus un démenti cela fait deux informations" autrement dit cela vendait deux fois plus de papiers. Et vendre n'est-il pas le premier but de l'entreprise ? "Peu importe que l'on parle de moi en bien ou en mal, l'essentiel c'est que l'on parle de moi" (Léon Zitrone).
L’impact n’est pas nécessairement négatif : il dépend du bad buzz et du type de crise
Entre ceux qui pensent que le Bad Buzz doit être perçu comme une crise irréversible faisant perdre de l’argent à l’entreprise et ceux qui à l’inverse considèrent le bad buzz comme une opportunité, il y a des courants de pensées sur le sujet moins manichéens, qui montrent que le bad buzz n’est pas un tout homogène. Dans l’ouvrage d’Anthony Babkine et de Mounira Hamdi Bad buzz : Gérer une crise sur les médias sociaux, un chapitre entier est réservé aux Typologies des impacts du bad buzz sur la marque. Une étude met d’ailleurs en évidence l’impact variable et différent selon les types de crises.
De nombreuses typologies existent, Thierry Libaert dans son livre la communication de crise propose la typologie suivante:
1. La sphère économique
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Secteur industriel : une difficulté dans le secteur industriel de l’entreprise.
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Secteur structurel : exemple : une OPA hostile.
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Secteur financier : exemple : le cours de bourse diminue.
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Secteur social : exemple : la grève.
2. La sphère technique :
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Crise liée à l’entreprise
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Crise liée au produit
3. Sphère politique
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Crise réglementaire
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Crise judiciaire
4. La sphère corporate
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Image de la marque
D’autres également viennent appuyer cela, c’est le cas de Nicolas Vanderbiest, doctorant, blogueur et observateur sur les crises d'e-réputation des organisations qui à travers son blog nous proposent une interprétation des bad buzz différentes. Selon lui il existe trois niveaux de crises différentes : (réalisé sur l’année 2013)
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Niveau 1 : crise éphémère (88%) : La marque a fait une erreur et rétablit sa réputation en s’excusant ; l’affaire est aujourd’hui tombée totalement dans l’oubli, elle n’a pas changé l’entreprise dans sa stratégie ou elle a eu un faible écho parmi une certaine communauté.
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Niveau 2 : Crise de moyenne ampleur (5%) : La crise a eu un impact de visibilité conséquent, a marqué l’entreprise jusqu'à peut-être changer son organisation/sa vision, a duré un temps qui va au-delà de l'éphémère ou a marqué à un point que l'on se souvient encore de la crise.
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Niveau 3 : crise grave (7%) : La crise a été très longue ou a eu un impact global sur le fonctionnement même de la marque
Autrement dit nous voyons ici que les crises graves sont bien existantes mais ne représentent que 7% des crises… Nicolas Vanderbiest va plus loin dans son analyse et propose de croiser ces niveaux de crise à sa typologie de Bad Buzz.

Au sein d’un article de son blog il analyse le croisement de données :
“Les typologies de crise qui ont la moyenne de niveau de crise la plus élevée sont dans l’ordre : les crises juridiques (2), les crises techniques (1,8), les crises accidentelles (1,5), les crises communicationnelles (1,4) et enfin les crises fonctionnelles (1,3).
Ce classement est cependant sujet à de gros biais dans la mesure où il n’y a que 3 crises pour les crises juridiques, 5 pour les techniques et 6 pour les accidentelles.
A contrario, le nombre des crises fonctionnelles et communicationnelles est respectivement de 33 et 36 crises ce qui affaiblit considérablement la moyenne.”
Il semble difficile de créer une typologie des bad buzz, fonctionnelle et viable.
Une étude américaine propose une typologie des conversations et son implication sur les bad buzz. L’idée est qu’un bad buzz peut se définir par son mode communicationnel qui permet son émergence, voir le tableau ci dessous :

Le bad buzz est une forme de démocratie participative adaptée au secteur marchand où à l’inverse une dictature de la “bien pensance”
Vu sous un angle totalement différent l’enjeux d’un bad buzz ne se situe pas tellement sur l’impact qu’il aurait sur telle ou telle entreprise. Mais sur ce qu’il signifie en réalité. Ce que nous entendons par démocratie adaptée au secteur marchand est le fait que dans une certaine mesure le bad buzz permet de redonner à la population un certain pouvoir décisionnaire vis à vis des choix des entreprises. Cette démocratie ne s’exerce non pas par un vote mais via un bras de fer médiatique que l’on pourrait résumer par cette phrase : “Si vous ne cédez pas : nous boycottons votre entreprise par les moyens mis à notre disposition”. Le site Challenges recense 10 pétitions qui ont fait reculer les entreprises ; par exemple : “la pétition contre le projet d'exploitation des sous-sols du fort de Vaoujours par la société Placoplâtre (84.500 signatures)” est révélateur de ce bras de fer entre population, associations et entreprises. Brigitte Gothière de l'association L214 qui est à l'origine de la pétition nous dit explicitement que "la pétition fait partie de l'un de nos outils à disposition. Elle permet de montrer l'adhésion des gens au mouvement mais aussi de les forcer à s'engager puisque la signature est publique".
Edward Bernays parlait déjà du pouvoir des consommateurs dans son livre Propaganda en 1928 : « Aujourd'hui, l'entreprise doit se soucier de son image auprès du grand public, et ce pour plusieurs raisons. Premièrement, car certains scandales des années passées ont rendu l'opinion vigilante au comportement des entreprises. Deuxièmement, car la production de masse implique une consommation de masse : plus on produit, plus il faut inciter le client à acheter. Troisièmement, la publicité peut aujourd'hui atteindre une population plus grande et peut l'atteindre plus efficacement. Quatrièmement, les entreprises sont aujourd'hui côtées en bourse, et c'est de leur image que dépendra le choix d'acheter ou de vendre leur actions : une rumeur à leur sujet peut être fatale au cours de leurs actions.». Ce phénomène s'est amplifier depuis l'avènement des réseaux sociaux.
A l’inverse certains parlent de dictature des lobbies et des association pensant avoir le monopole de la bien-pensance. Le site de débats Terrafemina , cite l’exemple d’Affelou qui devait à hauteur d’un engagement de 500 000 euros, être le sponsor officiel des fêtes de Bayonne : « ayant tardivement appris l’existence d’une corrida durant les Fêtes de Bayonne, Alain Afflelou en personne ainsi que la société Alain Afflelou ne veulent pas s’associer à des événements impliquant des actes de violence envers les animaux.». Sous la pression des Lobbies, Affelou fut contraint de céder ce qui entraina de vive réaction sur la toile.
D'autres comme Olivier Cimelière nous dit dans son blog Le Communicant : "Je conçois tout à fait qu’on puisse s’émouvoir de la maladresse commise par des publicitaires pétris d’idées quelque peu ringardes. En revanche, il ne faudrait pas non plus que les réseaux sociaux se transforment en police d’un excessivement politiquement correct à l’heure où circulent des thèses bien plus graves devant être autrement plus combattues."